LE QUOTIDIEN DE L’ART – 28.03.2013
Bons début sur Art Paris Art Fair
Si l’an dernier la foire Art Paris laissait un sentiment mitigé et restait plombée aux entournures par des œuvres kitsch, l’événement a procédé cette année à un vrai élagage. Il reste certes encore de mauvaises branches à ébarber, des stands à débouter. Toutes les galeries de la plateforme russe ne méritent pas le détour. Les artistes vétérans de l’empire éclaté souffrent d’un manque de visibilité et le focus sur Erik Bulatov chez Pièce Unique (Paris) est bienvenu. Mais la plus jeune génération venue du froid ne mérite guère tant de foin…
Nonobstant ces bémols, le salon est indéniablement monté en grade. Les art setters habitués aux œuvres qui s’offrent de but en blanc, aux stands qui éblouissent d’emblée, bref au tout cuit, en sont pour leurs frais. Mais les amateurs qui aiment fureter, chiner, débusquer, ceux qui savent ouvrir grand leurs yeux et boucher leurs oreilles auront de quoi se réjouir. Car pour qui veut bien prendre le temps de chercher, la foire recèle des pépites, comme les œuvres de Noël Cuin d’une poésie si fine, d’une émotion si pudique, qu’elles vous forcent à l’arrêt chez Farideh Cadot (Paris). Autre merveille, un superbe Norman Dilworth chez Laurent Delaye, un galeriste londonien qui n’a pas hésité à traverser la Manche pour tâter du marché français. Que les collectionneurs français prennent le large vers l’Angleterre ne l’émeut guère. « La France, c’est une plaque tournante, affirme Laurent Delaye. Il faut avoir plusieurs angles, il n’y a pas que l’approche anglo-saxonne du type Frieze qui compte. Il faut préserver une diversité ». Une diversité qui fait tout le sel d’Art Paris, où l’on peut emporter aussi bien un bel ensemble de pièces de Vera Molnar chez Oniris (Rennes), des petits bijoux de Brion Gysin et François Dufrêne chez Véronique Smagghe (Paris), ou un beau dessin d’Arnulf Rainer chez Christophe Gaillard (Paris). Le visiteur peut aussi trouver son bonheur dans l’aréopage d’artistes bosniaques chez Duplex 100 m2 (Sarajevo) – une des meilleures découvertes du salon -, fureter du côté de l’art brut avec une saisissante sculpture de Francis Marshall chez Jean-Pierre Ritsch-Fisch (Strasbourg) ou braconner vers les singuliers russes chez Christian Berst (Paris).
Même si certaines grandes galeries rechignent encore à participer (la foire revient de loin), les établies qui ont sauté le pas depuis quelques années ne le regrettent pas. « Ce n’est pas inutile de faire la foire, tous les collectionneurs français viennent. Pourquoi se priver de leur passage ? Les galeries françaises de bon niveau auraient tort de ne pas venir car les résultats sont excellents », déclarait hier Daniel Templon (Paris), quelques minutes avant le vernissage. Il ne croyait pas si bien dire. Malgré l’attentisme ambiant, les incertitudes politico-économiques, certains exposants ont fait feu de tout bois. En moins de quatre heures, Nathalie Obadia (Paris-Bruxelles) a vendu à des collectionneurs français cinq pièces, notamment de Joana Vasconcelos, Michael DeLucia et Patrick Faigenbaum. « C’est un début très enthousiaste, mais je ne sais pas si ce sera une édition où l’on vend au-delà de 40 000 euros », remarque la galeriste. De son côté, Michel Soskine (Madrid) a cédé en deux temps trois mouvements cinq toiles de Simon Edmondson entre 7 000 et 10 000 euros, tandis que Jean-Gabriel Mitterrand (Paris) a trouvé preneur pour un grand tableau de Duncan Wiley. « Le vernissage était très fort, mieux que l’an dernier. Nos prix ne sont pas extravagants, mais je suis quand même sidéré par ce début », confiait Claude Bernard (Paris), après s’être défait d’une demi- douzaine d’œuvres d’Edik Steinberg, mais aussi de pièces de Rebeyrolle et Ronan Barrot.
Les galeries du secteur « Promesses » n’ont pas non plus été boudées par les collectionneurs d’Art Paris, réputés pourtant classiques. « Cela a démarré sur les chapeaux de roue. Jusqu’à 16 heures, c’était non-stop », s’étonne encore Delphine Guillaud, codirectrice de Backslash (Paris), qui a cédé sept pièces. La galerie de Roussan (Paris), dont le stand est particulièrement réussi et cohérent, n’a pas laissé indifférent. Elle a notamment trouvé preneur pour des dessins de Sandra Aubry & Sébastien Bourg. « Je trouve dommage qu’on ne puisse faire « Promesses » qu’une seule fois, regrettait toutefois Jeanne Lepine, directrice de la galerie. La question se posera l’an prochain sur le plan financier ».
Même les galeries qui n’ont pas encore concrétisé des ventes ne perdent pas espoir. « Je ne peux pas dire que les gens soient passés totalement à l’acte, mais je sens plus que de la curiosité. Il n’y aura pas de décision immédiate, mais je m’attendais à plus de blocage », observe Catherine Issert (Saint-Paul-de- Vence), qui présente deux très belles œuvres de Cécile Bart. L’enjeu commercial est de taille pour les structures de province. Ainsi, Oniris effectue 20 à 30 % de son chiffre d’affaires annuel sur Art Paris. « Il faut être présent à Paris, même en terme de crédibilité, pour toucher des nouveaux collectionneurs, reconnaît Mélanie Rio (Nantes). Le marché nantais est restreint, d’autant plus aujourd’hui que l’économie française n’est pas florissante ».
Par ROXANA AZIMI
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