BEAUX ARTS MAGAZINE – 06.2016
Éclectisme et indépendance,
tel est le credo de cette galeriste insoumise aux diktats de la mode et du marché. Portrait à l’occasion des 40 ans de sa galerie.
Passion, éthique, engagement. Parce que Farideh Cadot conjugue ces valeurs au présent, elle demeure une figure bien à part dans le paysage de l’art contemporain. Actrice majeure de la scène parisienne dans les années 1980, elle le revendique avec fierté et défi : «Je suis dans l’art et pas dans le marché de l’art.» Sans plan de carrière, elle a pendant qua- rante ans été portée par une générosité débor- dante, a agi sans concession et «dans une mar- ginalité militante», ce qui la laisse amère face à la financiarisation excessive du milieu de l’art «livré à un quarteron de docteurs Madoff», comme elle l’a dénoncé dans une tribune dans Libération en 2011. Présente à la Fiac et à Bâle dès ses débuts, elle refuse aujourd’hui de nour- rir ce système qui a selon elle perdu son sens. Mais au-delà de ce positionnement, elle a un œilvisionnaireetsonnomestdéfinitivement associé à des artistes comme Markus Raetz, Joel Fisher, Meret Oppenheim, Connie Bec- kley, Juan Uslé, Daniel Tremblay, Georges Rousse, François Boisrond, Philippe Favier, Pat Steir, Luciano Castelli, Günter Brus, Miguel Angel Ríos… Impossible de l’enfermer dans une ligne artistique arrêtée tant la carto- graphie de son goût est sous le signe de l’éclectisme.
Nombreux sont ses amis fidèles, à l’image de Didier Semin, ancien conservateur et profes- seur d’esthétique : «Je l’ai toujours défendue pour sa lucidité de jugement, pour son éthique par rapport à la situation du marché en général et pour son histoire. Elle me bluf- fera toujours.»
Son parcours la rend également unique : elle quittesonIrannataletsafamilleà15anspour venir faire ses études seule en Angleterre, jusqu’à tomber définitivement amoureuse de la France (elle obtient la nationalité française en 1968). Elle ouvre sa première galerie en 1976 dans une ancienne usine pharmaceutique du XIIIe arrondissement puis se déplace rue des Archives et enfin rue Vieille du Temple et rue Notre-Dame de Nazareth, tout en dévelop- pant son activité à New York. «C’est ainsi qu’un bail précaire de quatre ans est devenu un bail de quarante ans», s’amuse-t-elle. Son enga- gement pour l’art va au-delà de son rôle de galeriste. Commissaire d’expositions pour des institutions publiques en France – Maison européenne de la photographie, BnF, Carré d’art de Nîmes… –, elle a également organisé la première exposition d’artistes français au GuggenheimdeNewYorken1987.
Simone Veil a salué cette implication en lui remettant les insignes de chevalier de la Légion d’hon- neur en 2009. Aujourd’hui, Farideh Cadot n’est pas nostalgique, elle regrette simplement de n’avoir pu conserver certaines œuvres. Après avoir changé plusieurs fois d’espaces et de formules, le temps est à la réflexion pour réinventer le modèle et poursuivre l’aventure. Elle n’a pas le choix : il n’y a pas de différence entre sa galerie et l’histoire de sa vie.
Galerie Farideh Cadot • 7, rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris • 01 42 78 08 36 • www.faridehcadot.com
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